De A à Z j'ai agité les lettres, y compris le W et le K, pour le plaisir de voir couler avec tumulte, élévation, harmonie ou éclat chacun de mes mots. Que ce fleuve fût constitué d'eau claire ou qu'il charriât d'épais morceaux de carottes, toujours la soupe fut à la hauteur du festin attendu. La Poésie pour credo, l'ivresse pour moyen, les mots pour flacon. Six-cents fois en ces lieux j'ai servi avec le zèle de ma plume, le zeste de ma peau et le reste de mon citron cette maîtresse amère, sans coeur et infiniment délicate que tout oiseau digne de ce nom nomme avec tremblements : LITTERATURE.
Ai-je parfois failli ? Certes. Quelques mots ont pu s'envoler pour aller s'égarer entre midi et quatorze heures. Oubliez ces papillons trop légers, admirez plutôt ces champs d'enclumes, ces espaces semés de fer, de cloches et de statues issus de dessous mon chapeau. Mes personnages ont souvent eu des voix d'airain, des sabots aux pieds, des bras comme des glaives, des rêves de marbre, des vies pitoyables, des trépas glorieux.
J'ai égratigné le Ciel de ma pointe d'acier, répandu dans des sillons vierges mon encre noire, chatouillé le nez des muses. La puissance de la plume...
Que reste-t-il de ces drôleries ?
J'ai toujours clamé avec hauteur et gravité, désinvolture et frivolité que finalement la littérature, ça n'est rien du tout. Ou alors juste une fumée qui passe, une rosée qui s'évapore, un parfum qui compte pour du beurre, une tartine de vent. Ce qui est déjà énorme pour une simple affaire de mots.
Mais voilà : de A à Z je n'en ai toujours pas fini avec les lettres et leurs soixante, six cents, six mille miettes.
dimanche 20 mai 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire